Sur deux gravures d’Hector Saunier

Lianes, qui tombent de là-haut, on ne sait d’où qui m’aveugle, m’empêche de voir le point de naissance, de fixation de la ligne végétale. C’est elles qui tombent ou la lumière qui les épouse ? Je les vois où je suis percée de la lumière qui dérange et excède ma vision ?
Lianes, ou fibres de la feuille vues de si près, traversée de lumière aveuglante ? Disparition de l’objet, frontières insaisissables des corps ; mais tout corps n’est-il pas lumière devenue couleur ?
Lianes me donne à penser sur la forme et la couleur, le découpage du monde des apparences, l’habitude de la douceur qui tourne à la morosité, le peu d’espoir de voir le monde flambé.
Le soleil d’hiver n’est pas le protagoniste, il est en retrait, s’efface devant les bourrasques de vent, la pluie qui le tient en retrait. Il attend son heure, il viendra, s’imposera, se fera torture et punition, s’apaisera difficilement. Il est le fort qui ne s’impose pas, qui jouit de sa puissance incontestée mais parfois silencieuse et inactive. La présence muette et timide est énergie potentielle, affirmation cachée, réserve pour demain. Le temps est d’une puissance renversante, tout sera nié, tout sera affirmé, rien ne s’impose sans avoir eu la patience nécessaire à l’avènement du réel.
Dans ces deux petits essais d’interprétation, je me suis laissée guider par la sensation, je n’ai pas cherché à comprendre mais à penser ce que je sentais. On découvre en faisant cela que notre sensibilité est capable de se continuer en pensée, que la richesse des expériences du corps nous libère des pensées communes du langage.
Thérèse Moro, 2023.