Souvenir du commencement
Lorsque je suis entrée pour la première fois dans l’atelier Contrepoint, au 10 rue Didot, à l’hiver 1995, je ne m’étais pas doutée de son lien avec l’Atelier 17 célébré par l’histoire de l’art pour avoir influencé la gravure moderne et contemporaine par ses recherches techniques.
À cette époque, je venais d’arriver à Paris. La ville m’apparaissait magnifique, à moi qui venait de si loin. Dès que j’ai passé la porte de l’atelier à l’aspect modeste vu de la rue, j’ai compris que cet atelier dédié à la taille-douce était un lieu stimulant, propice à la création mais aussi à l’échange. J’ai su que j’allais pouvoir y travailler librement. Je me souviens de l’impression que m’ont fait à ce moment-là le bruit du roulement des presses, mêlé aux voix parlant des langues étrangères et entre elles un français un peu différent. Les couleurs ont enchanté mon regard.
En fait, je découvrais que ce lieu continuait d’exister depuis 1988, année de la disparition de S.W. Hayter son fondateur. Des artistes venus du monde entier y trouvaient quelque chose qui n’existe pas ailleurs. Chacun parlant volontiers de sa pratique de la gravure, mais aussi de son propre parcours et de ses origines. Chacun pouvant donner son point de vue. Chacun alternant entre le sous-sol où l’on expérimente, où l’on cherche, et le rez-de-chaussée où l’on mène toutes les opérations préparatoires jusqu’à l’impression.
J’avais jusque là simplement étudié la gravure à l’université et j’en savais encore bien peu. Je suis entrée à Contrepoint par curiosité. J’y suis restée par plaisir et y suis devenue une professionnelle de la gravure.
À propos de la méthode des couleurs simultanées
L’Atelier Contrepoint réunit des gens qui ont une passion pour la gravure. Quelle qu’en soit la pratique, c’est par l’échange et le goût pour l’expérimentation que se travaille ici l’impression selon une méthode originale.
Cette méthode associe l’usage des techniques traditionnelles, notamment la technique du burin, et une utilisation très particulière des couleurs. Il s’agit de jouer avec les différentes viscosités des encres, plus ou moins diluées avec de l’huile. Les couleurs de taille-douce et les couleurs offset de surface créent ensemble des espaces qui se complètent sur une même plaque.
Sans toujours être sûre de disposer de suffisamment de temps, j’ai voulu participer au développement d’une autre approche et d’une nouvelle vision de la gravure. À Contrepoint, j’ai pu, par la gravure, accéder aussi à des traditions, des cultures autres que la mienne. Ici, la plupart d’entre-nous venons de pays étrangers ; et ce lieu nous permet de travailler avec une confiance en nous-mêmes. C’est un lieu d’épanouissement.